La croissance des plantes

 

Dans cette partie, nous verrons que le nombre d'or, la suite de Fibonacci et la croissance des plantes sont très liés.

Angle d’or et divergence d’or


       La croissance d'une plante se fait par les extrémités, dans une zone composée d'une multitude de cellules indifférenciées qui se divisent puis se spécialisent : cette zone est l'apex. Tout autour, de minuscules excroissances se forment, qui deviendront les futurs organes de la plante (branches, fleurs, feuilles, ...) : ce sont les primordia.

En étudiant la répartition des feuilles autour de la tige, on constate qu'elle se fait selon trois schémas fondamentaux : une feuille par nœud , deux feuilles par nœud, trois feuilles ou plus par nœud (un noeud est une zone d'embranchement, d'où partent des feuilles, branches ou fleurs).
       Parmi les plantes à une feuille par nœud, il existe les spiralées : les feuilles apparaissent une à une le long de la tige en formant des spirales. Sur ces plantes, chaque primordium s’écarte de l’apex et, finalement, se transforme en une feuille ou un pétale. La spirale engendrée par les primordia dans l’ordre de leur apparition est appelée spirale génératrice, les primordia les plus anciens étant les plus éloignés du centre.

En 1837, Auguste Bravais et son frère Louis, observèrent un détail essentiel. Ils tracèrent les demi-droites qui joignent le centre de l’apex au centre des primordia et mesurèrent les angles séparant deux primordia successifs vus de l’apex. Les angles entre les centres de deux primordia approchent les 137°10’, c'est à dire la divergence d'or.

Cette image représente la répartition des primordias en partant de l'apex : celle du milieu est tracée avec une divergence (angle entre deux primordia) égale à la divergence d'or ; les deux autres en diffèrent de moins d'un degré.

           Si en regardant la tige d’une spiralée par le côté de l'apex, on observe la disposition des feuilles, on remarque qu’après un certain nombre de tours parcourus le long de la spirale génératrice, une feuille se retrouve exactement en dessous de la première feuille que l’on observe. On peut alors :
- compter le nombre de feuilles situées après la première (c’est la n° 0, donc on ne la compte pas) jusqu’à parvenir à la feuille qui est exactement alignée avec la première (n° x).
- compter le nombre de tours que fait la spirale génératrice autour de la tige entre ces deux feuilles de référence (y).
Toute les plantes à phyllotaxie de type « spirale » ont des fractions x / y égales à 2 / 1 ou 3 / 1 ou 5 / 2 ou 13 / 5 ou 21 / 8 ou 34 / 13, etc. Les numérateurs et les dénominateurs de toutes ces fractions appartiennent à la suite de Fibonacci.

Exemple de quelques répartitions :      

 

Explication de la présence du nombre d’or chez ces plantes

La présence du nombre d’or dans la phyllotaxie des plantes a suscité de nombreuses investigations. La première explication a un lien avec l’ensoleillement : «Si les feuilles (et par conséquent les rameaux) d’une plante étaient espacées sur la tige par des intervalles d’exactement 137°30’ 28’’, aucune feuille ne se situerait exactement au-dessus d’une autre, ce qui diminuerait l’ombre portée par cette feuille sur les autres situées plus bas» (Bell, 1993, p222). Il y a donc là une première règle d‘optimisation de la collecte des photons, optimisation qui pourrait s’être mise en place au cours de l’évolution.

Mais pourquoi l’angle de divergence est il égal à l'angle d’or ? Pour le découvrir, il faut revenir au début de la croissance de la tige, lorsqu’elle n’était qu’un bourgeon. Au cours de la croissance, l’apex croit en gardant la même forme, mais les primordia ne croissent pas aussi vite et s’éloignent donc de l’apex ; c’est dans cet espace, entre les primordia et l’apex, que de nouveaux primordia apparaissent. Cependant ceux-ci gardent tout au long de la croissance la disposition qu’ils avaient initialement.
Les règles d’apparition des primordia sont partagées entre deux hypothèses :

- Le critère de W. Hofmeister, selon lequel les primordia apparaissent à intervalle régulier dans le plus grand espace disponible laissé par les primordia précédents.

- Le critère de Marie et Robert Snow, selon lequel un nouveau primordium apparaît dès qu'il s'est formé un espace libre de taille suffisante. Ce critère a l'avantage d'expliquer le mode spiralé et le mode verticillé.
Prenons le cas d'une plante verticillée où les feuilles poussent par paires opposées, l'apex ressemble alors à ceci :

Lors de la croissance, selon le critère Snow, on obtient :

 

D'où la formation de paires de feuilles. Mais si on incise l'apex, il se produit un décalage dans la disposition et comme l'a expérimenté le couple Snow, on obtient une plante spiralée :

 

       Pour expliquer comment chaque primordium connaît quelle est la plus grande place disponible ou quand la place est de taille suffisante, le mathématicien Alan Turing a émis l'hypothèse que chaque primordium émet autour de lui une substance inhibitrice empêchant la formation d'autres primordia à sa périphérie. En simulant numériquement l'apparition des primordia à partir du critère d'Hofmeister, Stéphane Douady et Yves Coudier ont mis en évidence que l'angle de divergence dépendait fortement d'un facteur appelé G.
G = vT/Ro
Où :
v est la vitesse d'éloignement des primordia par rapport à l'apex
T est la périodicité d'apparition des primordia
Ro le rayon où elles apparaissent.
En résumé lorsque la valeur de G est grande, les primordia s'éloignent rapidement de l'apex et/ou le temps d'apparition entre deux primordia est long :

Lorsque G baisse jusqu'à la valeur 0.7, chaque nouveau primordium ressent l'influence de deux primordia, et vient former un angle qui se rapproche de l'angle d'or. Donc à chaque fois que G a diminué au point que chaque nouveau primordium ressente l'influence d'un primordium supplémentaire, l'angle de divergence tend un peu plus vers le nombre d'or, ceci s'appelle une brisure de symétrie.

Lors de la première brisure, le primordium peut apparaître à deux endroits, mais une fois apparu, la position choisie forcera les primordia suivants à apparaître selon une spirale tournant à droite ou à gauche. D'ailleurs dans la nature on trouve autant de plantes dont la spirale génératrice (spirale reliant les feuilles d'une tige dans leur ordre d'apparition) tourne vers la droite que vers la gauche. Normalement, il existe à chaque brisure de symétrie un deuxième angle de divergence possible mais mis à part pour la première brisure de symétrie (cf. ci-dessus), seul l'angle qui tend vers la section d'or est possible si G diminue progressivement.
Par contre, si G diminue brutalement, les autres changements d'angle de divergence sont possibles. Or, chez les plantes, le facteur G diminue progressivement au cours de la croissance : il est fort lorsqu'elles germent puis il décroît lorsque les premières feuilles apparaissent, et la floraison s'accompagne également de la diminution de la valeur de G. C'est pourquoi l'angle de divergence tend vers l'angle d'or.

Parastiches, pétales et suite de Fibonacci

De nombreux végétaux présentent des spirales apparentes à l’œil nu, comme les hélice formées par les écailles d’un ananas ou d’une pomme de pin ou les aiguilles d’un cactus. Ces spirales sont appelées parastiches. Il existe deux types de parastiches : celles qui tournent dans le sens direct et celles qui tournent dans le sens indirect (sens des aiguilles d’une montre). S’il on compte le nombre de parastiches tournant dans un sens et dans l’autre, on trouve deux nombres consécutifs de la suite de Fibonacci ; de plus l’étude de ces spirales a permis de conclure qu’elles étaient logarithmiques.


Ainsi, pour l’ananas, on compte 8 parastiches dans le sens indirect et 13 dans le sens direct, pour la pomme de pin 5 et 8 et selon les variétés de tournesols, 21 et 34, 34 et 55, 55 et 89, voir 89 et 144. On trouve rarement d’autres nombres,les exceptions les plus notables les doubles de ces nombres.
Souvent, chez les fleurs dont les pétales sont disposés en hélice autour du cœur on trouve des nombres de Fibonacci. Les lys ont 3 pétales, les boutons d’or 5, la plupart des soucis 13, les asters 21.

Le nombre d’or est lié à une spirale logarithmique. On sait qu’une spirale logarithmique (ou hélice) peut s’étendre indéfiniment vers l’extérieur ou vers l’intérieur. Elle garde donc toujours la même forme, indépendamment de sa dimension. La forme est conservée, quelle que soit la taille.
On voit donc que lorsque les éléments tous semblables d’une structure modulaire, ici les primordia, les pétales,..., grandissent sans changer de forme, les restructurations permanentes qu’ils subissent pour minimiser les contraintes de compression tendent à les organiser le long de spirales logarithmiques. Le calcul du nombre de spirales dans un sens puis dans l’autre mène à des couples de nombres entiers qui font partie des séries de Fibonacci.
Par exemple, dans le cas de la marguerite, les bourgeons floraux ont tous la même forme (ce sont de simple tubes de section circulaire), mais pas la même taille. Ils s’auto organisent au fur et à mesure de leur croissance selon des spirales logarithmique centrifuges. On peut faire alors les mêmes observations sur une pomme de pin, les éléments modulaires changent de taille sans changer de forme.

Conclusion

On peut donc conclure que la croissance et l'organisation des plantes sont bâties sur des principes mathématiques (suite de Fibonacci, nombre d'or ) qui sont l'expression optimale des gènes de la plante.